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La libéralisation ratée de l’électricité

deux ampoules : l'une contenant la tour de Pise, l'autre la tour Eiffel

Crédit : ADRIAN LIMANI/CATERS NEWS AGENCY/SIPA

Après plus de dix ans d’ouverture des marchés de l’énergie en France et en Europe, les paradoxes s’accumulent. Prix bradés de l’électricité sur le marché de gros qui font gonfler la facture des particuliers. Développement des énergies renouvelables  qui pousse à la consommation de charbon et entraîne une hausse des émissions de gaz à effet de serre. Risque de blackout alors que l’Europe est en surcapacité de production. Il y a de quoi y perdre son latin !

Comment en est-on arrivé là ?

Le marché de l’électricité n’est pas un marché comme les autres… il ne se régule pas de lui-même. L’énergie est un secteur qui tend naturellement vers le monopole à cause des coûts d’investissements, la libéralisation engagée dans toute l’Europe conduit donc à créer artificiellement de la concurrence.

Certes, le monopole d’EDF-GDF était critiqué en son temps (système bureaucratique, choix du nucléaire), mais il avait l’avantage d’assurer la cohérence globale du système. Point qui fait justement défaut aujourd’hui. Les avantages de l’ouverture se font, eux, attendre : baisse des prix, qualité de service…

Un chacun pour soi contreproductif

Avec la nouvelle donne libérale, les entreprises mettent bout à bout les projets sans se concerter. Ce faisant, l’absolue nécessité de maintenir un équilibre entre offre et demande est mise en péril. Le blackout devient un risque très concret.

Cette situation serait gérable, si les autorités de chaque pays n’avaient à se préoccuper que de leur marché national. Cependant, du fait de l’interconnexion des réseaux électriques, il faut tenir compte des choix, souvent très différents, des Etats voisins. Quand l’Allemagne veut sortir du nucléaire, le Royaume-Uni construit de nouveaux réacteurs, et quand la Pologne mise tout sur le gaz de schiste, la France dit non. Concrètement, pour compenser le surplus ou le manque de production de ses énergies renouvelables, l’Allemagne s’appuie sur ces voisins, les déstabilisant par la même occasion.

Le rêve lointain d’une Europe de l’énergie

Un système électrique à l’échelle de l’Europe offre pourtant des opportunités :

  • utilisation des barrages scandinaves pour stocker  l’énergie des éoliennes de Mer du Nord,
  • approvisionnement de base grâce aux centrales nucléaires françaises, belges ou britanniques,
  • gaz de schiste polonais pour faire face aux pointes de consommation.

Les perspectives sont multiples, mais nécessitent qu’il n’y ait qu’un seul pilote dans l’avion (ou au moins un consensus fort) pour définir les objectifs et réguler l’activité des entreprises. Or, chacun poursuit son propre agenda : créer des champions des énergies renouvelables et contenter l’électorat anti-nucléaire en Allemagne, maintenir un prix bas de l’électricité pour les entreprises et les particuliers en France.

De même que l’harmonisation fiscale européenne est un doux mirage, l’Europe de l’énergie est un vœu pieux faute d’un embryon de politique commune. Il ne faut d’ailleurs guère espérer un sursaut de Bruxelles. A peine proposée par ses propres services, le commissaire européen à l’énergie, Günther Oettinger, s’est dit « sceptique » sur la possibilité de réduire de 40% les émissions de CO2 d’ici 2030.

L’état actuel du secteur de l’énergie en France et en Europe n’incite guère à l’enthousiasme : pas de vision d’ensemble, pas d’objectifs clairs, pas de concertation. La dernière proposition en date de créer un « Airbus de l’énergie » fera long feu, faute d’identifier des intérêts communs. Le marché « libéré » de l’énergie n’est qu’un jeu où tout le monde perd et où personne ne sait pourquoi il devrait coopérer. 

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